mercredi 24 août 2016

Interview de Morgan of Glencoe (et Elen Brig Koridwen)

Bonjour à tous, j'espère que vous allez bien ? Il y a peu, je vous ai parlé du roman de Morgan of Glencoe, Si loin du Soleil. J'ai eu la chance de pouvoir échanger par mail avec et en voici le résultat, une très sympathique interview !!! J'ai aussi eu la possibilité de poser quelques questions à Elen Brig Koridwen (presque éditrice de Si loin du Soleil).
Prenez le temps de tout lire, c'est vraiment très intéressant !!! 
Et n'hésitez pas à laisser un commentaire à la fin de l'article, nous en seront tous contents. 
Bonjour Morgan of Glencoe, je suis ravie de pouvoir discuter avec vous, pourriez-vous dire quelques mots sur vous ? J'ai cru comprendre que vous veniez de Bretagne?

Alors bonjour Lily, et heu, on peut se tutoyer ? J'ai peu l'habitude du vouvoiement, je travaille dans des milieux où ce n'est franchement pas la norme… (sauf si vous préférez le vouvoiement à ce point, hein !) et le plaisir est partagé, c'est ma première interview en tant qu'auteur !

Donc oui, je vis de Bretagne, dans le pays de Porhoët. Et oui, je suis originaire de là aussi. Non pas que je n'aie jamais vécu que là… j'ai testé Rouen, Paris, j'ai voyagé aussi mais voilà : ma Bretagne, je l'ai dans la peau. Je peux partir au loin, j'y reviendrai toujours. Bon, allez, je pourrais lui être un peu infidèle pour l'Irlande ou l’Écosse. Mais pour combien de temps, je l'ignore.



Morgan of Glencoe est un pseudonyme, j'imagine, pourquoi avoir choisi ce nom ?

Oh, alors sur ce coup-là, je vais te/vous faire rire… parce que, non, ce n'est pas un pseudo. C'est mon presque vrai nom. Je dis presque vrai parce que j'ai retiré la partie du milieu, en fait. Mais mon prénom, c'est bien Morgan, et mon nom de famille complet finit par "of Glencoe" depuis que je suis propriétaire d'un petit bout d'Écosse (quelque chose comme 3m²) offert par mes frères… Donc, c'est mon vrai nom, tronqué. Et c'est aussi le nom que j'utilise pour mes concerts solos, et les choses publiques en général.

Petit portrait chinois

Si j'étais un livre, je serais .... C'te question piège… ​Sans doute le Llyfr Taliesin.

Si j'étais une fleur, je serais… Un nénuphar. ​

Si j'étais une musique, je serais… Un slow-air écossais. Genre Black is the colour ou the Valley of Strathmore. Avec un accompagnement simple, genre violon/harpe celtique ou flûte/guitare, et une voix celtique pour la chanter. (oui j'ai des standards musicaux précis. Déformation professionnelle…​

Si j'étais un objet, je serais… Une harpe celtique. On ne se refait pas…​

Si j'étais un personnage de roman (mais pas dans le tien, hein), je serais… Encore un piège ! Un personnage déterminé mais désespéré, je pense. Genre Sirius Black, ou Eowyn.​



Portrait chinois lié au livre



Si j'étais un des personnages, je serais… You guess, I won't say.​ 

Si j'étais une Fée, je serais… Oh, une Selkie. J'aime trop la mer pour être autre chose.​

Si j'étais souverain de la Triade, je serais… Heu, y'en a que trois et ils ne sont pas sympas… Mais je veux bien être n'importe lequel des rois de Keltia par contre !​ 

Si j'étais une arme, je serais…Des mains. Si on ne sait pas se servir de ses mains, je ne vois pas à quoi sert le reste…



Comment t'es venu l'idée de ce roman ? Y a-t-il eu un déclic ? Un moment magique ?



Sous une proto-forme à peine embryonnaire, il y a trèèèèèèèèèès longtemps, c'était un délire avec ma meilleure amie : un truc pour un fanzine, une histoire que j'écrirais et qu'elle illustrerait. Puis ça a grossi, beaucoup, beaucoup changé, l'univers s'est développé, a muté, ça n'a plus rien à voir avec le petit délire adolescent d'où c'était parti…​

Pour ce qui est de la version définitive de l'histoire, il y a eu plusieurs déclics. D'abord, j'ai eu marre du médiéval fantasy, des héros trop lisses, des univers éternellement plus ou moins identiques avec beaucoup de lieux communs. Soyons d'accord, j'adore le Seigneur des Anneaux. J'adore la fantasy. Mais j'avais envie d'autre chose, de problèmes modernes, de pointer du doigt aussi que, ce qui est toléré dans un monde med-fan pour cause de "réalisme" n'a rien d'admissible ni de tolérable…

Et puis j'avais aussi très, très envie de personnages de fantasy qui soient de vraies personnes, pas des symboles ou des déclinaisons d'archétypes. Oh, je ne dirais pas qu'il n'y a pas de déclinaisons d'archétypes dans Si loin du Soleil, mais ils ne sont pas définis par leur rôle archétypal. Tout comme une personne réelle n'est pas définie par son métier, en quelque sorte. Je crois que l'exemple le plus simple est celui de Sir Edward Longway. Il remplit le rôle archétypal du mentor, ok. Mais c'est avant tout le type avec qui on se verrait bien s'asseoir, partager un verre de whisky et jouer de la musique. Parler de tout et de rien. Rire. Rencontrer, quoi, pas seulement admirer de loin.

La force de la Dernière Geste, ce sont ses personnages. Je voulais que les gens puissent avoir envie de leur botter les fesses ou de les consoler, de rire à leurs côtés et de grincer des dents avec leurs frustrations, d'être blasés parfois, surpris aussi, bref, de vivre un moment à leurs côtés. Mon déclic perpétuel, ce sont eux, en fait.



Comme s'est déroulée l'écriture ? As-tu eu des rituels ? Des manies ? Combien de temps t'a pris la rédaction concrète du roman ?

En fait, j'ai peu de rituels d'écriture… Je fonctionne en deux temps (comme un moteur de canot. Cette digression n'a aucun rapport… le temps "structure" et le temps "écriture".
D'abord, je scénarise. Tout, ou presque. Ensuite, je chapitre le scénario, pour que l'histoire n'ait pas de temps mort, et je crée un fichier par chapitre. Enfin, je revois l'ensemble et je vérifie que c'est équilibré. Et une fois que tout ça est fait, je n’ai toujours pas écrit une ligne officielle. C'est le temps "structure".

Après, simplement, j'y pense. Un peu tout le temps. En faisant les courses, le ménage, en attendant mes élèves de musique, dans la voiture. Peu à peu, un passage en particulier se détache, se précise. Dans ma tête, il devient un petit bout de film, de plus en plus détaillé, de plus en plus vivant, et un peu obsessionnel. Alors arrive ce moment où je n’ai pas d'autre choix que de l'écrire, et là, il sort. Tout seul comme un grand. Souvent d'un seul coup. Parfois, c'est un passage très court, par exemple la première description d'Alcyone. Je l'ai vu atterrir en boucle sur le toit du train un certain nombre de fois, et pourtant ça ne dure guère plus de 3 secondes. D'autres fois, ce sont des chapitres entiers, et même des groupes de chapitres… j'ai écrit les chapitres 11, 12 et 13, et l'épilogue et la scène cachée, quasiment d'affilée, en une nuit. C'était d'ailleurs un moment assez atroce, je voyais plus l'écran parce que je pleurais, j'ai vidé deux blocs de mouchoirs, et rien que d'y repenser… Mais ça en valait la peine.

Il y a un deuxième temps d'écriture, c'est celui où je contextualise, je remets les informations dont le lecteur a besoin dans le récit : les descriptions les moins narratives ou les explications un peu concrètes. C'est plus facile de les doser quand on a déjà mis l'émotion dedans.

Question rituels… Pas vraiment. Je fais souvent des mini-pauses pour jouer de la harpe, et je bois du thé. Du Earl Grey, ou du thé noir à la pêche.

Sinon, je pense que ça m'a pris environ un an et demi pour le premier jet, puis autant de relectures.

Comment as-tu fait pour autoéditer ton roman ?

Ah, c'est drôle parce que je n'ai pas vraiment l'impression que Si loin du Soleil est autoédité, car en soi, j'ai une éditrice : Elen Brig Koridwen. J'entends par là qu'elle a fait le travail qu'aurait fait un éditeur : correction, relecture, mise en forme, et une très grande partie de la promotion. Après, officiellement c'est effectivement une autoédition, mais je n'ai pas fait ce travail par moi-même, du moins pas entièrement, et à dire vrai, je pense que je n'aurais pas réussi sans elle. Ni sans Laurent Miny, l'illustrateur.



Dans quelle sorte de temporalité se situe Si loin du soleil ? Comment expliques-tu la Triade ? Qu'est-ce que cela représente pour toi ?

Je crois que la temporalité de SLS est assez… bordélique. En soi, on est assez proche de nos années 1970/80, mais ce n'est qu'une très vague approximation car la technologie n'est pas du tout la même. C'est en grande partie lié à la géopolitique du monde : les maîtres de la technologie, ce sont les Keltiens, et pour une raison simple, ce sont les Feux-follets. Ils sont peut-être un chouïa surexcité, mais ils ont un vrai don pour tout ce qui est travaux manuels, mécanique etc. Or, Keltia, c'est un mini-archipel et une petite péninsule qui doit défendre son choix de vie face à trois monstres, qui sont bien plus des continents que de simples pays… Leur technologie, c'est leur moyen de se protéger. Leur monopole sur les moyens de transport, c'est leur seul bouclier contre la Triade. Sans ça, ils se feraient écraser direct.

La Triade, c'est le résultat typique d'une société qui vit dans la peur, ou de sociétés qui vivent dans la peur. Dans le monde de la Dernière Geste, les humains vivent dans un millier de peurs contradictoires : peur des fées, peur des flics (qu'ils soient en noir, en bleu et or ou en rouge) peur des brigands… c'est lorsque l'on vit dans la peur et que l'on est ignorant que l'on est facile à soumettre, et on croit qu'un état grand et fort nous protégera et assurera une certaine paix. (Mauvaise nouvelle : la plupart des états n'en ont rien à carrer)

Ce qui est assez amusant dans le cas de la Triade, c'est que leurs accords reposent… sur la liberté de Keltia, puisque ce mini-pays assure qu'aucun des trois géants ne mettra la main sur LE moyen de communication et de transport par excellence (le seul qui soit fiable et assez rapide, en réalité) : le Rail. Bon, je ne vais pas faire le détail, mais là ce sont les grandes lignes d'une situation géopolitique toute en tension et qui, clairement, ne demande qu'à exploser.

Parles-nous un peu des thématiques fortes qui sont abordées dans ton roman ? Je pense surtout aux a priori sur les Fées et à leur statut d'inférieur.



Oh, les humains adorent se considérer comme supérieurs et hiérarchiser tout un tas de choses. Ils considèrent les fées comme inférieures parce qu'elles ne sont pas des humains, tout simplement. C'est une autre espèce et la plupart des humains les considèrent comme des animaux (à juste titre, sauf qu'ils oublient qu'ils sont aussi des animaux.) Elles sont différentes et ils ne les comprennent pas (et en fait, la plupart des humains n'ont pas envie de faire l'effort de les comprendre.). Ce n'est qu'un "rang" de plus dans l'intolérance commune, à mettre à côté du racisme, du sexisme, de l'homophobie. La seule vraie différence entre les fées et les autres espèces animales, c'est qu'elles sont capables de parler le langage des humains, en fait.


Une question spéciale Historienne que je suis. Pourquoi avoir choisi un royaume de France, un empire japonais et le sultanat ottoman ?



Alors pour ne pas faire un cours d'histoire complet (j'ai toute la chronologie du monde dans un fichier, mais c'est un GROS fichier) on peut le résumer comme ça : parce que ce sont les pays les plus expansionnistes des derniers siècles dans leur continent respectif, tout bêtement. Le Royaume de France correspond à ce que Napoléon voulait conquérir, l'Empire Japonais, il suffit de jeter un coup d'oeil à une carte des invasions de la seconde guerre mondiale, et le Sultanat Ottoman... c'est pour Soliman le Magnifique. J'avais envie de trois cultures résolument différentes, et tout à fait incompatibles, mais assez arrogantes et expansionnistes

(je parle d'états, pas de personnes !) pour vouloir dominer leurs voisins.
 

Quelques mots pour donner envie aux lecteurs ?

J'ai aucun talent pour la communication, je vais donc donner la parole au Capitaine Trente-Chênes, une femme qui mérite plus d'appréciation qu'elle n'en reçoit :
"Sauf votre respect, princesse ou pas, rien à foutre. Gardez vos faveurs pour les chiens de la Cour qui se presseront bientôt à vos pieds, car ici, personne n’en a cure : sur le Rail, la seule chose qui compte c’est que vous ayez payé votre billet. " ça, c'est dit... vous embarquez ?





Questions pour Elen Brig Koridwen : Comment s'est passé votre rencontre entre Morgan et toi ? Qu'as-tu pu lui apporter ?



Fin 2012 début 2013, j'animais une association créée sous mon impulsion, et qui avait essentiellement pour objet d'apporter de l'aide aux auteurs. Mon éditeur venait de prendre sa retraite pour raisons de santé, me léguant très gentiment le profil facebook de sa maison d'édition avec ses pages et groupes, parce que je m'y étais déjà impliquée à son invitation. Je souhaitais proposer une synergie (c'est ma marotte) à tous les blog'litt, auteurs et autres métiers du livre présents dans les différents groupes associés ; d'où l'idée de cette association, L'écurie littéraire, fondée sur l'entraide.



Parmi les services proposés, il y avait un club de bêta-lecture, qui, je crois, a rendu beaucoup de services en élaborant des fiches de lecture très argumentées. Je lisais moi-même tout ce que je pouvais, mais c'est par pur hasard, parce que l'une des bêta-lectrices était indisponible, que j'ai offert de me charger de Si loin du soleil.



Cela a été une excellente surprise, la meilleure de cette aventure avec "Traversée des limbes" de Jean-Christophe Heckers. Le roman de Morgan était une oeuvre de débutant, contenant encore pas mal de maladresses, mais l'histoire était fabuleuse, et très bien menée pour un auteur aussi jeune, avec des personnages formidables et une gestion très mature des intrigues et du récit lui-même. De plus, c'est une œuvre qui véhicule des convictions fortes et courageuses ; le genre que j'aime à soutenir autant que faire se peut.



Je portais à l'époque un projet de site de publication sous forme de feuilletons, "Effeuilletons.fr", qui aurait promu et rétribué les auteurs tout en les laissant libres de leurs droits. Jean-Christophe et Morgan auraient fait partie de l'aventure, et je les ai rencontrés à ce propos au Salon Livre 2013. 



Le projet n'a pas abouti, le site n'ayant pu être réalisé faute de financement ; il est difficile de ne compter que sur le bénévolat. Mais je suis restée en contact avec les deux auteurs et je les ai aidés dans la mesure de mes moyens: j'ai donné un avis plus fouillé, proposé des corrections. Dans le cas de Morgan, j'ai surtout traqué les erreurs concernant les scènes de bataille, qui étaient les plus évidentes. On ne peut guère s'attendre à ce qu'un auteur de 24 ans, musicien de profession, maîtrise la technique et le vocabulaire militaires. 



Si loin du soleil est un roman très atypique, peut-être pas assez formaté pour l'édition traditionnelle. Morgan a décidé de tenter avec mon appui l'aventure de l'autoédition. Dès que j'en ai eu le temps, après la promo de Zone franche en mars dernier et la sortie de Autant en emporte le chergui début mai, j 'ai assuré à titre bénévole le travail éditorial, autrement dit la mise en forme dont j'avais l'habitude d'être chargée dans l'édition. Ce roman était un véritable diamant brut, j'étais enthousiasmée, et j'ai un immense plaisir à m'y impliquer, même si le temps nous a terriblement manqué.



Ce travail a été également l'occasion de poursuivre le « coaching » entamé en 2013. Morgan et moi nous entendons très bien et nous amusons beaucoup en travaillant ensemble. C'est toujours un plaisir de coacher un jeune auteur, mais la personnalité très attachante de Morgan, qui a l'âge de mon fils aîné, rend la tâche encore plus sympa. :-)



Morgan est, de mon point de vue, un auteur de fantasy promis à un très bel avenir, même si, de nos jours, le succès est de plus en plus incertain en termes de célébrité et de revenus. Je sais du moins que ses lecteurs seront nombreux et passionnés. Je ne le dirai jamais assez, cette oeuvre si originale mérite une large reconnaissance. En tout cas, je m'y emploierai de toutes mes forces 

Je remercie vivement Morgan of Glencoe et Elen Brig Koridwen pour leurs temps, disponibilités et gentilesse, ainsi que pour m'avoir fait découvrir ce livre !!!

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Avez-vous aimé l'interview ? Qu'avez-vous pensé d'elle ? Dites-moi tout. 
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-Zélie- 

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2 commentaires:

  1. Très sympa de découvrir un peu l'envers du décors :)
    Merci pour ces belles interviews !

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    Réponses
    1. ça me plait beaucoup. Si je n'avais été prof, j'aurais aimé être dans les livres, dans l'édition ou journaliste :)

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